Cahiers de l’alliance, n°16 (octobre 2023)

Description du numéro :

La joie est le propre de l’homme, elle est d’une autre nature que la jouissance, ou le plaisir. La joie ne peut se résumer à une pulsion.

Ne confondons pas la joie et le bonheur. La joie est un sentiment infini qui s’affranchit du temps, de la durée. Elle se vit telle que savent l’exprimer le poète et le sage ou comme ont su la mettre en musique Bach, Beethoven et Mozart dans un art toujours renouvelé.

Pour cet éloge de la joie, ce numéro des « Cahiers » invite la philosophie, à travers Spinoza et Bergson, les religions, les sentiments, l’expérience maçonnique.

« Que la joie soit dans les cœurs ! ». Cette formule rituelle déborde la signification à laquelle le langage moderne pourrait la réduire. Quand le plaisir nécessite la répétition et n’arrive jamais à satiété, la joie convoque toujours la plénitude dans la simplicité, pas de demi-joie ! Et le contraire de la joie n’est pas la tristesse, mais plutôt l’acédie quand le goût de vivre disparaît.

Présent de la joie toujours à partager, comme dans le sourire qui en est le don et l’expression, la fenêtre ouverte sur l’invisible.

Que la joie demeure !

Sommaire :

  • Fred Picavet – Avant-propos : La Joie unique et multiple …
  • Francis Bardot – La Joie du franc-maçon ou l’hymne à Sagesse, Force et Beauté
  • Gaston-Paul Effa – Invitation à la Joie
  • Mina Djaad – La Joie de Spinoza
  • Jean-Pierre Thomas – Joie et Religion
  • Annick Drogou – Sens, sensation, sentiment en Franc-maçonnerie
  • Richard Bacin – Dans le Japon traditionnel : La joie autrement
  • Jacques di Costanzo Joies et peines vécues par un médecin
  • Jean Dumonteil – Post-scriptum : Méditation sur le mystère de la Joie

En quelques mots :

Avant de débuter cette nouvelle revue de presse, je me dois de vous expliquer pourquoi j’entame la saison 6 des Cahiers de l’Alliance seulement maintenant. Si je viens d’en prendre connaissance, c’est à cause des aléas de la poste et non pas lié à un coup de flemme généralisé. Passer la frontière franco-belge semble difficile pour les services postaux. Tout ça pour dire que je n’ai pas un mais deux numéros de retard. Donc, un grand merci à Jean-Claude Tribout, rédacteur en chef de la publication pour ce nouvel envoi vers le plat pays qui est le mien.

Comme très souvent dans les CDA, je retrouve des éléments nécessaires à mon parcours maçonnique et à mon parcours profane, surtout que si le numéro 16 était arrivé en octobre 2023, peut-être m’aurait-il aidé à ne pas me morfondre. Je ferme cette parenthèse sur ma vie privée mais ceux qui me connaissent, savent de quel évènement, je parle. Soit …

À chaque entame de saison, une question me taraude l’esprit, quel regard va nous accompagner ? Après Mona Lisa, Toutankhamon ou Beethoven, c’est une œuvre du sculpteur polonais, Igor Mitoraj, la Tete de Saint Jean le Baptiste située sous la rotonde de la basilique Santa Maria degli Angeli et dei Martiri (Sainte Marie des Anges et des Martyres) à Rome. Cette sculpture s’inspire des modèles antiques. Elle porte un linceul rappelant le martyre des premiers chrétiens et si on ajoute que l’artiste présentait des statues volontairement blessées ou écorchées, cela fait double sens.

Pourtant si le regard de la Tête est une référence à la douleur, ce numéro 16 fait l’Éloge à la Joie. La question que l’on se pose avant même l’ouverture du périodique est celle-ci : « Peut-on différencier la joie, le bonheur et le plaisir ? ». Les trois termes sont interchangeables et les nuances sont subtiles. La joie est un sentiment profond de consentement et de satisfaction qui peut être perçu même dans des situations difficiles. C’est un état d’esprit durable qui provient de sources internes, comme l’accomplissement personnel, de l’amour ou de la gratitude. Le bonheur est un état plus général du bien-être de l’individu et de satisfaction dans la vie. Le bonheur peut être influencé par différents facteurs comme des relations harmonieuses, des réussites professionnelles ou toutes formes d’expériences agréables. Le bonheur peut s’atteindre à court ou à long terme. Le plaisir est quant à lui, une sensation plus éphémère de satisfaction qui découle d’une expérience sensorielle ou d’une activité agréable. Plaisirs physiques, plaisirs de la table ou plaisirs intellectuels, ils sont nombreux et variés. C’est une question de subtilité mais on peut dire qu’il y a un effet boule de neige. Le plaisir mène au bonheur et le bonheur mène à la joie. De l’éphémère plaisir à la satisfaction du bonheur, tout cela conduit à la durabilité de la joie.

Dans son avant-propos, Fred Picavet énumère les concepts de la joie et met en avant la nécessité de la joie de vivre. Chaque auteur va mettre en avant cet état de joie, entre émotion, jouissance, plaisir, plénitude et … Des états que l’on associe mais que nous avons du mal à différencier.

Notre lecture s’enchaîne avec quelques notes de musique. Francis Bardot dans son article, « La joie du franc-maçon ou hymne à Sagesse, Force et Beauté », va tracer les portraits de Jean-Sébastien Bach, Ludwig van Beethoven et Wolfgang Amadeus Mozart. Il attribue à chaque compositeur un des piliers de la franc-maçonnerie. Bach hérite de la sagesse et celle-ci est décrite comme une participation à la création divine, pour ne pas dire mystique. La force est attribuée à Beethoven et en écrivant ses mots, on ressent bien l’énergie du compositeur. Enfin, Mozart est associé à la beauté et selon l’auteur, le compositeur arrive à unir beauté, bonté et parle d’une musique libératoire.

Gaston-Paul Effa nous envoie une invitation à la joie et comme dit plus haut, n’avons-nous pas tendance à confondre joie et bonheur. L’article de ce professeur de philosophie lorgne un peu trop vers Dieu et la Bible. Mais il nous rappelle que la quête de la joie est une expérience à vivre. Il en va de même pour l’article de Jean-Pierre Thomas où l’auteur associe la notion de joie aux religions. Il s’agit d’un balayage général à travers le prisme des religions de l’Antiquité, du « Livre » et orientales. Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont voulu fêter les évènements liés aux dieux. On parle donc des cultes faits à Hathor ou à Dionysos. Sans oublier les Saturnales … Dans les religions du « Livre », on nous rappelle que la joie est un élément central dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Le Christianisme possède aussi une forme d’ambivalence basée sur le dolorisme, ce qui est en contradiction avec le concept de joie. Quant à l’Islam, la soumission à volonté de Dieu, la pratique de la charité sont des sources pour atteindre cette plénitude. Dans l’hindouisme et dans le bouddhisme, l’auteur aime à nous rappeler que la joie est associée à une expérience spirituelle.

L’article qui va vous faire réfléchir plus que nécessaire et qui vous obligera à revenir dessus, est signé par Annick Drogou. Son article « Sens, sensation, sentiment en franc-maçonnerie » vous donnera du grain à moudre. Nous avons une tendance à intellectualiser toute notre démarche et à laisser notre corps au domaine physique. Or, les sens, les sensations et les sentiments ont un effet psychosomatique sur le corps. On dit souvent que c’est « le corps qui parle » et qui indique le sens en tant que signification à prendre.

La pratique maçonnique est un vecteur de joie. Bien que cela ne transparait pas à première vue, le symbolisme et les rituels ne sont pas seulement là pour que nos tenues se déroulent sans anicroches et le travail maçonnique peut se faire dans un sentiment de joie et d’appartenance à une communauté. Certes des rendez-vous comme en salle humide avant une tenue ou lors des agapes juste après celle-ci, cela renforce les liens entre tous les francs-maçons. Il ne faut pas oublier que les rituels qui sont exécutés, ne sont pas seulement des moments où l’on se doit d’être sérieux et méditatifs mais ils doivent être des moments où la joie doit être à la fois collective et personnelle.

Je ne vais pas vous faire tout le numéro des Cahiers de l’Alliance mais sachez qu’il y a très bon article sur le Japon et sur la joie. Comment est-elle perçue au pays du Soleil levant ? À vous de voir ! Il y a également un débat à faire entre ce que Jean Dumonteil et Jacques di Constanzo affirment chacun de leur côté. Le premier affirme que « la science ne connaît pas la joie » alors que l’autre se livre sur son expérience de médecin réanimateur qui s’est confronté à la mort, nous parle d’un support scientifique.

Au final, est-il encore nécessaire de vous dire que les CDA sont un must dans le paysage des périodiques maçonniques ? Ce numéro aura traité de la joie sous toutes ses formes mais les auteurs ont peut-être le facteur « inattendu » qui peut provoquer ces moments qui nous touchent au plus profond, ces moments imprévus et qui font un bien fou quand on en a besoin. Je termine en citant le livre de Bruno Giuliani, « L’amour de la sagesse » : « Est heureux l’homme qui vit la joie au coeur, qui éprouve la bonté de la vie, qui en savoure pleinement le goût seconde après seconde ; la joie est un lien qui nous libère en nous liant tous ».

Biblio :

PICAVET, Fred (sous la direction de). Éloge à la Joie : sentiment, souffle et vertu. Clichy : Numérilivre, 2023. 120 p. (Cahiers de l’Alliance ; 16, octobre 2023). ISSN 2677-4984

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